L'un des paradigmes de l'ergothérapie concernant la définition d'une situation est de considérer l'interaction entre trois paramètres : la personne, l'environnement et l'occupation. Cette conception me semble pertinente en regard à notre situation.
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Nous, un village en Suède, l'aménagement d'une nouvelle tranche de vie.
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Olivier et moi, pétris de nos connaissances, de nos expériences, de nos représentations et de nos envies. Drevdagen, un petit village dans la province de Dalécarlie, situé à 733 mètres d'altitude, entre forêts et lacs. Vivre et s'installer dans un nouvel environnement nécessitent diverses compétences. Et je me rends compte qu'elles ne figurent pas forcément au palmarès de mon CV. Alors je les travaille, tente de trouver des stratégies pour compenser les manques, adapte les tâches, cherche des ressources externes.Â
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Duolingo, un programme informatique fort sympathique pour l'apprentissage d'une langue, m'a donné les clés pour être capable de dire en suédois que "les chats boivent du lait", que "la femme aime les jupes" ou que "les enfants lisent le journal". Ce qui ne me sert guère lorsque je dois prendre contact avec le garagiste pour fixer rendez-vous pour la réparation de la remorque, ou pour demander à la commune un devis pour le déblaiement de la neige devant notre propriété. Nos voisins suisses établis ici depuis 15 ans sont alors l'une de nos ressources. Généreusement ils nous offrent leurs compétences et se chargent des téléphones. Précieuse, cette aide ne nous rend pas moins dépendants d'un intermédiaire et des aléas que cela peut engendrer. Ne pas se retrancher dans la facilité, mais prendre les affaires en mains, faire face à la barrière de la langue et engager des contacts directs; voilà une compétence qu'il me faut exercer. Â
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Nombreuses sont les habiletés que l'on acquiert sans réellement s'en apercevoir, simplement par mimétisme, par transmission de pair ou par notre éducation. Grandir en Suisse ou en Suède, le bagage diffère. L'arrivée des frimas nous en fait prendre conscience. Dans notre passé, nous n'avons jamais eu à apprendre à vivre avec des températures de -23°C. Certes, nous savons que lorsqu'il fait froid, nous pouvons déployer la panoplie vestimentaire pour y parer. Toutefois, l'équipement ne protège pas des comportements inadéquats. Une grosse paire de moufles en duvet, c'est bien. Mais il suffit de les enlever rien qu'une minute afin de manipuler une fermeture éclair pour s'en mordre les doigts. Car un instant sans protection suffit à les geler. Sentir ses poils de nez se rigidifier est une sensation nouvelle et significative; la cagoule devient alors nécessaire. Â
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A l'entrée de la propriété se trouve une roulotte, que nous devons faire déplacer. Pour ce faire, il est nécessaire que le sol soit gelé, sans quoi le tracks s'embourberait. Urban, l'homme ressource du village en matière de travaux divers, nous explique que la neige étant arrivée avant les grands froids, le sol est encore trop mou actuellement. Il nous faut donc déblayer la zone concernée pour permettre au sol de geler. Tout au contraire, il nous apprend qu'il ne nous faut plus marcher sur la partie est de notre propriété, car c'est là que passent les conduites d'eau souterraines qui relient la source à notre maison. Si l'on marche dans la neige sur cette zone, nous ouvrons, de nos empruntes de pas, la porte au froid et au gel, au risque de faire rompre les conduites.
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Nous évoluons dans cet environnement qui, petit à petit, nous devient familier. Mais nous savons maintenant qu'ici, la routine est vite taquinée par la mouvance de ce qui nous entoure. D'ores et déjà nous avons conscience qu'avec l'arrivée de l'hiver, le véritable, l'environnement nous dévoilera de nouvelles facettes. Couleurs avec lesquelles il nous faudra composer pour que le fragile équilibre entre nous, notre environnement et notre activité, puisse perdurer.  Â
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