L'Est de l'île puis les montagnes seront nos morceaux de choix pour la découverte de Taïwan. Tous les locaux rencontrés s'accordent à dire que la côte ouest, urbanisée et polluée, ne vaut pas le détour.Â
Â
Du Nord au Sud par la côte, du Sud au Nord par la vallée intérieure.Â
Â
Du Nord au Sud pour la vue sur l'infini, pour le bruit incessant des vagues venant mourir sur les plages, pour le vent qui nous chasse en avant. Du Sud au Nord pour l'abondance des verts, révélés par les jeunes rizières puis s'extasiant dans les vergers et forêts sauvages aux multiples espèces. Pour la tranquillité d'une petite route délaissée par le trafic motorisé. Pour les stands de bananes, de mandarines, de noix de coco.Â
Â
Trouver son chemin est aisé; les axes sont peu nombreux et les panneaux informatifs pour les voies cyclables sont pléthoriques. Tout comme les lieux de réparation, les toilettes et les fontaines d'eau. Une infrastructure sponsorisée par la compagnie "Giant", selon les dires d'un cycliste taïwanais, collectionneur d'emplacements de camping sauvage qui nous donnera ses bons plans en la matière. La police, nous l'avons dit, est une ressource de premier choix. Un soir, c'est elle qui nous installe dans une maison abandonnée à côté du poste. L'agent en service met en fonction l'électricité, amène des bouteilles d'eau et passe le balai pour nettoyer notre emplacement...
Je réalise que bien souvent nos apprentissages se font à l'image de notre rythme de vie actuel: avec lenteur, en douceur.
Je réalise que bien souvent nos apprentissages se font à l'image de notre rythme de vie actuel : avec lenteur, en douceur. Un jour je me questionne sur le champ de plantes vertes et rougeoyantes qui s'étend devant moi. Plusieurs jours plus tard, j'aperçois un champ similaire, et au sein de chaque plante, discrètement se tient en équilibre un ananas... Ou alors ces hommes qui font tomber, grâce à leur longue perche munie d'une lame, les grappes blotties sous les feuilles de palmiers longilignes. Que ramassent-ils donc? Cela ne ressemble pas vraiment à des dattes. Des noix pour l'huile de palme? Au détour d'une minuscule échoppe qui tend plus à une maison familiale qu'à un établissement commercial, où je m'arrête acheter un pain-vapeur, je retrouve les glands emmaillotés méticuleusement dans une feuille. La bouche rouge-sang de la tenancière trahit l'utilisation de ces petits fagots : ce sont en réalité des boules à chiquer.
Â
Abondance. Terre d'abondance. Elle produit tant que ses fruits ne sont plus comptés. Un jour, c'est un bel arbre à caramboles, chargé de fruits tant sur ses branches qu'à ses pieds, qui se présente suavement à nous. Une fin de journée, alors que nous faisons notre petite toilette au linge sur la plateforme en bois d'un kiosque, mes yeux perçoivent à nos pieds, dissimulés dans la végétation, un ananas, puis deux, puis trois! Le jour suivant, ce sont d'énormes pamplemousses, dressés telle une haie d'honneur, qui nous attendent. Deux dans l'estomac et trois dans les sacoches. Pour une fois nous mangeons du "made in Taïwan" et nous mangeons local. Le made in Taïwan, ma foi, n'est pas que nature. L'emballage plastique vit ici son heure de gloire. Un règne qui s'étend au-delà de celui qu'il a pu connaître par chez nous. Ici, un emballage en cache bien souvent quantité d'autres. Le clin d'Å“il local, ce sont les camions poubelles qui sillonnent les rues en diffusant à la ronde une mélodie entraînante. Pour peu nous verrions les gens heureux de leur venue, sortant les poubelles en dansant. Mais à vrai dire, il semble que les Taïwanais n'aient nul besoin de cette musique pour adopter une attitude enjouée.Â
Du Nord au Sud pour se rendre compte que progressivement les temples cèdent leur place aux églises chrétiennes, héritage du passage des Portugais, Espagnols puis Hollandais.Â
Â
Du Sud au Nord. Petite route bucolique... mais pas que. Peut-être y avait-il un panneau de mise en garde au départ de la route? Ne lisant pas le chinois, celui-ci nous serait resté muet. Les pluies récentes conjuguées à des éboulements ont fait d'une portion de la route une véritable piste de boue. Revenir sur nos pas n'aurait pas de sens, nous nous sommes déjà trop engagés sur cet itinéraire. D'autant plus que nous ne savons pas si cette complication nous condamne sur 10 mètres, 100 mètres, 1 kilomètre... Nous poussons nos vélos dans cette marre mais ceux-ci ont vite fait de se rebeller. Les roues ne tournent plus, la boue a colmaté l'espace entre les pneus et les pare-boue. Il nous faut donc les traîner tout en les soulevant. Mais notre propre prise au sol est précaire, nos baskets sont devenues des paquebots en perdition, lourds et collants, navigant avec maladresse dans ces flots brunâtres. Alors je ne pense plus à rien, si ce n'est à avancer. Surtout ne pas réfléchir à la saleté qui partout s'infiltre et éclabousse. Chaque chose en son temps. Il y a un temps pour avancer, un temps pour sortir de la boue, un temps pour nettoyer. Le voyage ne nous a-t-il pas appris que chaque chose vient en son temps? Les pieds, les roues et les mains dans le cambouis, l'exercice de style intellectuel requiert toutefois un certain effort... Et pourtant... nous avons regagné le bitume ferme, puis avons trouvé un temple où laver le gros de nos affaires. À ce jour le système de propulsion est nettoyé. Nous attendons encore une pluie ou un jet d'eau au bord du chemin pour rendre à nos montures leur apparence d'antan.
A Taïwan les divinités bouddhistes et taoïstes se côtoient au sein des mêmes temples. Migration et colonisation sont à l'origine de cette tolérance religieuse.
Article précédent     Retour au blog     Article suivant Â