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De Germandön à Luleå - Transition - 06.10.23

08-10-2023 09:38

Aline Guignard

Cap Kayak,

De Germandön à Luleå - Transition - 06.10.23

Alors lorsqu'un hélicoptère militaire tourne au-dessus de l'île de Kluntarna à plusieurs reprises le jour suivant, nous nous sentons comme deux fugitifs traqués

Nous passons en fin de compte une petite semaine dans l'archipel de Luleå, jusqu'à se sentir prêts à franchir le pas vers notre hivernage. L'archipel compte 1312 îles, c'est sur celle de Kluntarna que nous parquons nos kayaks pour quatre jours. Pelle, chez qui nous avions passé une nuit à Rosvik, nous avait dit qu'il s'y trouvait un sauna libre d'accès. En réalité, nous en découvrons trois. Dans un souci d'analyse scientifique sur l'efficience thermique des volumes, nous les avons tous testés. Pour atteindre Kluntarna, nous avions dû franchir une nouvelle zone d'entraînement militaire. A la vue de deux avions opérant un douteux demi-tour alors au-dessus de nous, nous craignons d'avoir perturbé un exercice en cours. Alors lorsqu'un hélicoptère militaire tourne au-dessus de l'île de Kluntarna à plusieurs reprises le jour suivant, nous nous sentons comme deux fugitifs traqués. Et que dire lorsque c'est au tour d'un hélicoptère de la police de faire du stationnaire à quelques mètres pile au-dessus de nous... ? Soudain une lumière s'allume et éblouit notre attention: et si les balises s'étaient déclenchées involontairement ? Une histoire qui est déjà arrivée à d'autres. Par acquit de conscience, pour la libérer de ce doute qui la sature, nous nous empressons d'aller vérifier. Ouf. Ce n'est pas ça. La réelle raison de cette étrange chorégraphie aérienne, nous ne la saurons jamais.

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Après Kluntarna, nous montons notre ultime campement sur l'île de Likskär et y restons durant trois jours en raison des forts vents. Malgré l'allure paradisiaque de ses plages de sable beige, un certain ennui s'installe. Nous n'avons plus le même goût pour les activités qui généralement occupent nos temps à terre. Leur saveur a perdu de son intérêt au profit d'une certaine impatience à attaquer les tâches qui nous attendent à Luleå. Alors le lundi 11 septembre, date d'arrivée convenue avec nos futurs hôtes, nous empoignons nos pagaies avec entrain.

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Après avoir longé la zone industrielle portuaire, dominée par un menaçant nuage rougi par les particules de fer, nous sommes accueillis par les célèbres brise-glace de la ville encore au repos. Frôlant les flancs du premier, je lève soudain la tête et m'extasie en y lisant ces 4 énormes lettres blanches « ATLE ». A Trelleborg nous avions retrouvé une amie, Laila, qui a été la première femme officier à opérer sur un brise-glace en Suède. Et c'était précisément sur l'ATLE. La deuxième surprise de ce trajet singulier fut une marche. Trente simples centimètres séparent le plan d'eau où nous nous trouvons et celui où nous devons nous rendre... Trente centimètres que la plupart des passants ne remarqueront jamais. Une hauteur moindre qui nous oblige néanmoins à décharger nos kayaks et à effectuer un ultime portage. Une hauteur signifiant que c'est ici précisément que nous quittons officiellement la mer Baltique. Quelques mètres plus loin un ruban rouge et blanc barrant le canal nous fait craindre d'être à nouveau bloqués. Heureusement, un travailleur sur la berge nous donne le feu vert et en passant au-dessus de la zone critique, en entendant des bruits inattendus venant du fond de l'eau, nous comprenons qu'il s'y trouve un plongeur. Les rires que nous échangeons Olivier et moi suite à cette situation rocambolesque trahissent une certaine émotion et une tension liée aux questions qui nous habitent : comment allons-nous vivre les prochains mois dans un environnement urbain ? Comment allons-nous supporter les bruits, l'agitation et les ambiances qui en émanent ?

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Non sans un certain soulagement, nous nous éloignons de la ville au fur et à mesure que nous nous rapprochons de chez Ragnhild et Lasse, nos hôtes. Et c'est après avoir défié le labyrinthe formé par la quantité inhabituelle de roseaux, que nous atteignons notre lieu d'accostage, à 800 mètres de la destination finale. Deux aller-retour pour porter nos kayaks et un trajet en voiture pour les bagages et nous voilà arrivés à bon port.

 

Ragnhild est la cousine d'Eva, une amie de Suisse. Voilà le lien qui relie notre voyage à cette petite maison en périphérie de Luleå. Ragnhild et son ami Lasse nous accueillent chez eux comme si nous faisions partie de la famille. Ils ne nous connaissaient pas mais nous offrent tout, belle leçon d'hospitalité. Nous logeons dans un premier temps dans leur chambre d'amis, lovée entre le sauna et l'atelier de céramique de Ragnhild, bâtiment annexe à l'atelier de menuiserie de Lasse. Car non seulement nous bénéficions d'un toit, mais également d'un atelier équipé de toutes les machines nécessaires au travail du bois, suffisamment grand pour y entreposer nos kayaks le temps des réparations ainsi que pour la construction des traîneaux. Comment aurions-nous pu seulement rêver d'une situation aussi ajustée à nos besoins ? Après deux semaines, nous déménageons dans la stuga prévue initialement, les travaux de rénovation étant terminés pour la saison. Depuis cette petite maison aux allures de roulotte, nous avons vue sur le potager et la grande serre qui garnissent nos repas de couleurs encore estivales, alors que les températures passent aujourd'hui dans le négatif.

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Aussitôt arrivés aussitôt nous attaquons les nettoyages, réparations et entretien de notre matériel afin de le remiser. Les kayaks et les pagaies ont comme pris un coup de jeune et s'en vont hiberner dans le grenier au-dessus de l'atelier. Sans plus attendre, Olivier couche sur papier les plans de nos traîneaux en bois, après avoir fait mûrir ses réflexions sous la coupe du temps, de ses observations, de ses recherches et connaissances. Et après quelques jours de travail assidu où la matière première se transforme grâce aux compétences tant manuelles qu'intellectuelles, nos traîneaux prennent forme. N'ayant connaissance de quiconque ayant fait pareil périple, à savoir tracter kayaks et matériel sur 570 km de neige, Olivier ne peut bénéficier d'expérience concrète et seule notre propre expérimentation permettra d'évaluer et d'ajuster la conception des montures. Fort heureusement, l'environnement dans lequel nous nous trouvons nous permettra de tester le matériel avant le départ pour la traversée des terres.

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Dès notre arrivée nous avons également débuté notre entraînement physique. Car si c'est principalement à la force des bras que nous avons parcouru les 4628 kilomètres depuis Vevey, ce sont nos jambes qui vont être sollicitées pour la prochaine partie du voyage. A cet effet nous avons adopté une marche matinale, celle qui nous tire de nos songes et met radicalement fin à toute somnolence. A peine réveillés, nous sautons dans nos baskets, parcourons nos 6,7,8,9 puis 10 kilomètres, avant de rentrer dans la chaleur de la cuisine familiale et de débuter la suite de la journée.

 

Alors qu'Olivier scie, rabote, assemble et se recouvre heure après heure de sciure, je travaille sur mes rubriques du magazine Le Vagabond ainsi que sur les demandes de partenariat pour l'acquisition du matériel spécifique dont nous avons besoin l'année prochaine.

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Nous pourrions imaginer qu'ainsi filent les jours, loin de la civilisation, retirés comme des moines fidèles et dévoués. Assidus à la tâche, certes. Mais pas cloîtrés pour autant. Nous avons eu la visite de Heidi et Christophe, nos amis de Jättendal, venus partager quelques jours notre nouvelle réalité. Et puis nous avons été invités par Barbara et Nils, du village voisin, pour une soirée jeux. Dimanche passé, nous avons assisté à la première d'un spectacle de danse contemporaine dont le chorégraphe n'est autre que Fabian, le fils de notre proche voisine Kirstin. Pour peu, nous oublierions facilement que cela fait moins d'un mois que nous avons débarqué... / AG

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