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De Gällivare à Kiruna - Ensemble en terre sauvage - 15 mars 2024

15-03-2024 12:46

Aline Guignard

Cap Kayak,

De Gällivare à Kiruna - Ensemble en terre sauvage - 15 mars 2024

Comme s'il fallait véritablement la mériter, notre dernière journée a de loin été la plus pénible du voyage. Nous abordons la ville par le sud et de ce point...

Kiruna.

Nous avions traversé cette ville en 2017, alors à vélo. L'une des seules images conservées de ce rapide passage était celle de l'office du tourisme. Une réalité qui désormais n'est plus. Ville en mouvance depuis 2009 en raison de la fragilisation des sols liée à l'exploitation minière, elle ne cesse de se transformer et de se déplacer.

Kiruna.

Etape importante de notre traversée à pied de la Laponie. Pointée sur la carte, notée sur notre décompte kilométrique, inscrite dans le planning des réapprovisionnements, elle nous fait également miroiter un temps de pause. 

Peut-être...

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A Gällivare, après une descente quelque peu frustrante, nous atteignons la ville. L'urbanité. Frustrante, car d'une part la descente n'est pas plus facile que la montée, au contraire, et d'autre part car cela signifie qu'il nous faudra plus tard regagner cette altitude perdue. Urbanité, car après trois semaines en pleine nature, la concentration de monde et les bruits citadins parviennent à nos capteurs de manière exacerbée. Pourtant, cette ville, nous ne faisons que l'effleurer, suivant les pistes qui la contournent. Un arrêt tout de même, pour se ravitailler. Comme à notre habitude, Olivier reste avec notre équipement pendant que je foule l'asphalte pour rejoindre le magasin le plus proche. L'article rédigé par Ulrika a été publié dans le quotidien NSD, diffusé dans l'ensemble de la région du Norrbotten. Force est de constater que notre « réputation » nous précède. Durant mon escapade marchande, Olivier discute avec différentes personnes qui viennent à lui. L'une d'entre elles revient alors que nous nous remettons en route, avec du pain tout juste sorti du four.

 

Est-ce cette reconnexion à la ville et au stress qu'elle induit, le cumul de l'effort jusqu'alors fourni, la fatigue liée à la gestion du froid, le spot de bivouac sinistre que nous trouvons le soir ou encore la perspective des futurs portages pour traverser les routes asphaltées... mais voilà, ce jour-là, le moral assume un coup bas.

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Le lendemain matin précisément, une voiture s'arrête à notre hauteur, une femme bourrée d'énergie en sort et nous demande « Vous avez besoin de quelque chose ? » Et Olivier de répondre « Une douche peut-être ? » Denise brandit son téléphone. « C'est arrangé, dans 5 km la piste passe devant un hôtel, vous pouvez vous y arrêter pour prendre une douche. » Ainsi nous arrivons au Skogen-Lodge à Koskullskulle, où les propriétaires nous attendent, les bras chargés de linges et d'eau fraîche. Puis ils nous guident jusqu'au bâtiment ouvrant sur une salle d'eau. Il y fait bon. L'eau est chaude à souhait. Les prises nombreuses pour recharger nos différentes batteries. Alors que nous prenons ce qui est notre première douche depuis Luleå, les propriétaires nous préparent un panier pic-nic des plus inattendu. A côté des sandwiches et des bouteilles d'eau gazeuse, nous découvrons avec une surprise que je ne peux m'empêcher d'être sonore, des branches Cailler et un paquet de Läckerli ! Les propriétaires de ce lieu le sont depuis peu, ayant déménagé de Suisse-allemande en fin d'année passée. Récemment, un groupe de vacanciers helvétiques leur a amené ce qui représente pour eux – et pour nous - des saveurs familières.

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Nous nous sommes fait avoir comme des bleus. En ce début du mois de mars, les températures diurnes flirtent avec le zéro. Le jour de notre douche, mis en confiance par un soleil enfin bien présent, nous laissons dans nos pulkas nos sur-sac de couchage. Mal nous en a pris. Le mercure a fait cette nuit-là un saut vertigineux dans les profondeurs de son tube de verre, et nous n'avons pas dormi de la nuit. Les heures sont longues. La leçon est apprise et retenue.

 

A Tjautjas, nous arrivons devant des panneaux indicatifs plantés dans la glace du lac. Kiruna pointant vers l'ouest. Pourtant, nous avions imaginé poursuivre au nord. En pleine réflexion, un homme arrive à notre hauteur. « Mon cousin vient de me téléphoner, il vous a vu passer devant chez lui il y a 5 minutes et m'a dit de venir à votre rencontre. » Un peu emprunté, comme en s'excusant, il poursuit « alors voilà, j'ai pour mission de vous demander, est-ce que vous avez besoin de quelque chose ? Ma maison est juste là. » Il est encore tôt et demander un lieu où poser la tente serait inapproprié. Par contre... « Serait-il possible de venir chez vous faire sécher nos sacs de couchage ? » Finalement nous resterons chez Peter jusqu'au lendemain. Nous discutons des différents itinéraires pour Kiruna, nous nous rendons au sommet de la montagne voisine pour alimenter la réflexion puis la décision est prise. Arrivés le jour de son anniversaire, nous avons la chance de partager avec lui une énorme prinsesstårta. Quand je dis partager... il faut avouer que nous en avons à nous deux dévoré la majeure partie. Au soir, sous le spectacle céleste d'aurores boréales, nous nous frottons à la neige entre deux séances de sauna, pour ensuite nous blottir sous le duvet d'un lit oh combien confortable.

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Cap à l'Ouest. Notre nouvel itinéraire traverse des régions plus sauvages que celui prévu initialement et garde une part d'inconnu. Sur notre carte des pistes motoneige, le tronçon entre Kaitum et Kiruna n'est pas répertorié comme tracé officiel. Toutefois, il est dit que les Samis empruntent une route qui suit les pylônes électriques. Mais sera-t-elle ouverte lorsque nous y serons ? Prévoyants, nous avons suffisamment de vivres pour que la réponse à cette question ne nous mette pas en péril.

 

Désertes oui, les régions que nous traversons le sont. De vastes plaines blanches, des forêts de bouleaux et de pins chétifs mais présents. Au loin, des sommets doux et ronds dont l'absence de végétation offre aux rayons du soleil un miroir captivant. Environnement en noir et blanc, nous évoluons dans une gravure grandeur nature.

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La piste sami est ouverte ! Alors malgré les montées et descentes si abruptes qu'elles exigent que nous les effectuions à deux, nous arrivons en quelques jours à Kiruna. Comme s'il fallait véritablement la mériter, notre dernière journée a de loin été la plus pénible du voyage. Nous abordons la ville par le sud et de ce point-là, nous devinons le lieu où nous sommes attendus, au nord. Pensant couper par ce qui se révèlera être une zone appartenant à la compagnie minière interdite aux civiles, nous devons nous résoudre à l'évidence. Nous sommes contraints à suivre les pistes de motoneige qui contournent la ville pour nous rapprocher au maximum de notre adresse. Cela représente quelque six kilomètres supplémentaires. Mais surtout, cela signifie se frotter à la ville. Et les pulkas en prennent un coup. Nous enneigeons certaines routes asphaltées au moyen de notre pèle pour offrir à nos pulkas un terrain accommodant. Puis nous les portons lorsque le trafic intense empêche cette manoeuvre. Mais en fin de parcours, nous capitulons. La distance asphaltée est trop importante pour la contourner ; nous serrons les dents et nous ripons nos montures. Nous avons depuis rencontré plusieurs personnes qui nous ont dit « Ah, mais je vous ai vus en ville ! » C'est sûr que deux personnes en vêtements de sport, flanquées de masques de ski, trimbalant des kayaks sur des pulkas en pleine zone commerciale à l'heure de pointe, ça ne passe pas inaperçu ! Plus nous avançons, plus nous nous éloignons de la ville et nous rapprochons de montagnes. Si cela a de positif que nous sommes moins stressés par la traversée improbable de routes, cela affaiblit ma confiance dans le succès de notre opération. Serons-nous réellement en mesure d'atteindre notre destination ? Ou allons-nous nous retrouver face à un ravin infranchissable ? Finalement, il est plus de 17h30 lorsque nous nous retrouvons devant la porte de Kajsa. C'est son voisin qui nous accueille en premier car c'est chez lui que nous pouvons parquer nos semi-pulkas. Kajsa, Karin de son prénom officiel, nous ouvre ensuite les portes de sa maison. Il s'agit de la voisine d'une amie de la cousine d'une amie de Suisse... Autant dire que nous ne nous connaissions ni d'Eve ni d'Adam. Et pourtant elle nous accueille, nous laisse sa chambre et finalement sa maison car elle s'en va pour 6 jours chez sa soeur dans le Sud « Restez aussi longtemps que vous le souhaitez !» Sur le trousseau de clés, celle de sa voiture également. Son unique demande : venir parler de notre expérience dans le cadre du cours d'anglais qu'elle donne à l'école populaire de Kiruna. Alors réunis autour de la table ronde d'une bibliothèque, devant un café et quelques biscuits, nous répondons aux questions d'une dizaine de retraités curieux.
 

La beauté du voyage, c'est cela aussi, et surtout. L'inattendu. / AG

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