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De Shiqu au col à 4824m.

19-04-2018 15:56

Aline Guignard

Terres sauvages,

De Shiqu au col à 4824m.

Pourtant il n'est que 14h00; mais nous sommes à 4824 mètres d'altitude. Le vent, la neige et le froid ont...

Seuls notre sac de couchage et notre tente nous permettent de tenir tête au thermomètre chatouillant les valeurs négatives. Pourtant il n'est que 14h00; mais nous sommes à 4824 mètres d'altitude. Le vent, la neige et le froid ont redoré le blason d'un abri de fortune placé juste là, au col. L'opportunité était trop séduisante pour que nous ne la saisissions, même si nous savons qu'à cette altitude, le sommeil ne sera que partiel. Au moins sommes-nous au sec et à l'abri du vent. Nos vélos au repos en cet après-midi, j'en appelle à ma plume.

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À Shiqu, après une nuit hivernale, le Tibet se réveille sous une lumière nouvelle, dans la douceur que seul un manteau neigeux peut apposer. Si l'union du ciel et de l'horizon par la blancheur ainsi créée nous fascine, le froid qui indéniablement s'invite au tableau ne ravit guère nos montures. Celui-ci gèle l'humidité présente sur nos systèmes de propulsion et les enchaîne de sa rigidité. Les vitesses ne passent plus, le pédalier lui-même finit par voir ses fonctions annihilées. Lorsque nous montons le col qui nous sépare du monastère de Sershul, nous poussons sur une route mêlant neige, glace et bitume. Mais nous ne sommes pas les plus à plaindre; les poids-lourds sont stationnés en file indienne, incapables d'atteindre le haut de la montée. De l'autre côté du col, seule la gravité nous permet d'avancer. Puis un soleil timide vainc le gel et c'est avec une unique vitesse que nous parcourons les derniers kilomètres qui nous conduisent au village de Sershul.

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Dans la petite cuisine familiale annexe au monastère, nous reçoivent deux moines. Alors que le premier passe autour de nos cous l'étoffe blanche de bienvenue, le second prépare deux bols de tsampa. De la farine d'orge grillée, quelques grains d'orge soufflés, un morceau de beurre de yak; le tout noyé dans du thé chaud. Les bols sont déposés devant nous puis les moines quittent la pièce. Nous demeurons perplexes devant cette préparation. N'y a-t-il donc pas de cuillère ? Ou tout du moins des baguettes ? Heureusement, un troisième moine assis à une table voisine s'est vu servir le même repas que nous. Du coin de l'œil je l'observe. Il commence par boire par petites gorgées le liquide dans lequel le beurre se dissout lentement. Nous buvons. Puis il mélange le solide au liquide restant du bout de son index. Nous mélangeons. Enfin son doigt se convertit en cuillère. Nous mangeons. Voilà notre première rencontre avec ce repas qui constitue l'élément principal de l'alimentation de ce peuple des montagnes. 

 

C'est dans cette même cuisine que nous rencontrons, à notre grande surprise tant nous avons perdu l'habitude de voir des Occidentaux, Xenia et Robert, un couple allemand voyageant sac au dos. C'est en leur compagnie que nous nous faisons interpeler dans les ruelles du village par un local, désireux de converser avec nous. Il y voit là l'occasion d'exercer son anglais appris lors de ses quatre années d'études en Inde. Ainsi nous invite-t-il dans un restaurant tibétain. Les plats sont savoureux et la conversation riche en informations auxquelles la langue commune offre l'accès que notre observation seule, ne permettait. Cet homme, qui a été le cuisiner personnel du Dalaï-lama lors de l'un de ses déplacements à Delhi, nous offre sa vision de la vie quotidienne dans un village d'âme et de culture tibétaine mais de gouvernement chinois. "Ce n'est pas facile" résument, peut-être fadement, ses propos. Ensemble nous irons voir le plus long mur de mani du monde. Ces millions de pierres gravées empilées, comme autant de prières et d'individus, donnent le tournis. Sur chacune de ces pierres, de la plus petite qui comble les trous à la plus massive qui assure la stabilité, un texte issu de mantras est gravé. Sur d'autres pierres, apposées contre l'édifice, est sculpté un symbole. Quelques jours plus tard, nous apprendrons l'une des méthodes moderne de sculpture grâce à des ouvriers œuvrant au bord de la route. Le premier artisan de la chaîne appose le chablon du symbole sur la pierre; il y tamponne un sac de magnésie sur les trous qui suivent les contours du symbole. Le deuxième trace au feutre noir la forme en reliant les points blancs. Le troisième creuse le tracé au moyen d'une meuleuse. Puis un petit groupe travaille la pierre au moyen de burins pour faire ressortir en positif le symbole. Finalement ce dernier est peint.

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Après avoir franchi le col à 4700 mètres qui nous ouvre les portes de la province du Qinghai, nous réalisons que nous en avons un plus élevé sur notre nouvel itinéraire. Entre ces deux cols, et bien au-delà, les plateaux tibétains. Et dans ces plateaux, peu d'âmes y vivent, offrant ainsi à notre regard de grandes étendues, fendues de part en part par notre route. Si les majestueuses montagnes ont cédé leur place à ces plaines, l'altitude n'en est pas moins vertigineuse. Autant dire que les nuits sont froides. Et lorsque nous ne nous réveillons pas sous la neige, la tente est complètement givrée. C'est pourquoi la bâtisse abandonnée qui sera cette nuit notre abri est tant appréciée. 

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La rédaction de ce texte est ponctuée de cris. Surpris par les premiers, nous réalisons qu'ils proviennent des automobilistes. Dans ce coin du monde, les cols sont des lieux saints. De nombreux drapeaux de prière, ainsi que parfois un enregistrement audio de mantras fonctionnant à l'énergie solaire, attestent de ce caractère religieux. Et il est de coutume de jeter des papiers de prière colorés en ces lieux. Le vent les emportant bien souvent en aval, ils sont devenus pour nous le signe annonciateur de l'imminence d'un col. Ce que nous découvrons aujourd'hui, c'est que les cris accompagnent ces gestes pleins de vœux et d'espoir.

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